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Le prix du dollar (3/5)

jeudi 29 septembre 2011, par anteCii

Juste avant...

Je m’appelle Oliver L. Barrett. J’ai 46 ans. J’habite Chandler, Oklahoma. Je suis avocat. On m’a commis d’office pour défendre un certain Anton Venice qui a braqué une banque.

Enfin quand je dis braqué, c’est un bien grand mot. Il n’avait pas d’arme. Il n’a volé qu’un dollar. Et il a patiemment attendu l’arrivée de la police après son larcin. Dire que cet homme est atypique est un euphémisme. Alors, bien sûr, il avait une bonne raison d’agir ainsi. Mais je ne pouvais me résoudre à croire qu’il n’avait pas d’autre moyen de parvenir à ses fins. Son histoire était déjà parvenue aux oreilles des journalistes qui pensent tenir là un papier original. En tout cas, si je pouvais obtenir le soutien du public grâce à la presse, sa défense serait plus facile.

Il pleuvait des cordes lorsque je garai ma voiture devant la prison du comté de Paine. Je me précipitai à l’intérieur mais je ne parvins pas à passer entre les gouttes et mes cheveux et mes épaules étaient trempés lorsque je suis enfin à l’abri. Avec le bas de mon pantalon et mes chaussures qui dégoulinaient, j’avais plus l’allure d’un vagabond que d’un avocat. D’autant que je n’avais pas pris le temps de me faire la barbe ce matin-là. Il faut dire que c’était un jour où je n’étais pas censé bosser. Je vis dans le regard de mon client qu’il se demandait à qui il avait affaire en me serrant la main. Il se faisait sans doute une toute autre idée de ce à quoi devrait ressembler un avocat.

D’entrée, il me remit à ma place :

« Je ne veux pas d’avocat.
- Vous comptez assurer votre défense seul ?
- En quelque sorte… Je ne veux pas être défendu.
 »

Je ne saisissais pas pourquoi alors il se montra plus explicite :

« Je veux être condamné.
- …
- Je sais très bien ce que risque : trois ans. C’est juste ce dont j’ai besoin.
 »

Personne n’a besoin de la taule. Je me demandais s’il avait toute sa tête.

Comme j’insistai, il accepta de me raconter son histoire. Il convint du fait que l’appui de l’opinion publique pourrait être un plus. Mais il ne pouvait avoir de contact avec un journaliste pour le moment. C’est pourquoi je lui fis admettre que je resterai son avocat sans jamais le défendre si c’était vraiment ce qu’il voulait. Ainsi je pourrai au moins lui servir d’intermédiaire avec ceux de l’extérieur : sa famille, ses amis et bien sûr les journalistes.

Il accepta. Je sortis alors mon dictaphone et j’appuyai sur la touche record. Je l’écoutai pendant près d’une heure sans quasiment jamais l’interrompre.

À suivre...

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